"... Pour se donner une contenance, Lionel s'approcha de la bibliothèque mauresque aux volumes précieusement reliés. Les dorures luisaient doucement à la lueur des lampes que le majordome, toujours aussi silencieux et impénétrable qu'un sphinx, venait d'allumer.
-Sur un rayon de la bibliothèque, juste derrière vous, se trouve "La Divine Comedie", et je sais que, si je l'ouvre à un endroit précis, j'éprouverai une haine implacable pour un être qui ne m'a jamais causé le moindre tort.
La voix d'or de Wilde prit en effet des accents furieux.
-Ou alors, j'aimerai passionément quelqu'un qu'il ne me sera jamais donné de rencontrer.
Son ton s'adoucit en un murmure aimant, qui fit tressaillir Douglas. Il répondit sur le même ton:
-Je crois qu'il n'y a pas d'humeur ou de passion que l'Art ne puisse nous faire éprouver. Notre force est de pouvoir en choisir le jour et l'heure.
-Combien c'est vrai! s'exclama Wilde. Nous pouvons nous dire: demain, à l'aube, nous accompagnerons le grave Virgile parmi les ombres de la vallée des Morts.
-Je préfère, dit Lionel d'un ton presque boudeur car on ne s'occupait guère de lui, profiter de cette belle soirée d'été que de penser à la vallée des Morts. Admirez donc cette myriade de pâquerettes piquées dans l'herbe. Elles scintillent comme des astres. ...".
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